La confiance et les aléas dans un process de cession

Dans les opérations de cession et d’acquisition, le conseil financier de l’actionnaire dirigeant se voit confier un certain nombre de travaux pour préparer l’opération – que nous développerons dans nos prochaines newsletters – et accompagne ensuite son client dans les négociations jusqu’à leur finalisation. Le process s’avère souvent long et complexe, et quel que soit le soin du conseil apporté à la phase de préparation avec son client, des aléas peuvent survenir en cours de route et menacer la bonne marche des discussions et de la transaction.

Dans certains cas, l’aléa en question est « deal breaker » et l’issue de l’opération est suspendue à un fil. C’est alors que la qualité de la relation entre les parties, nouée dès les premiers échanges, peut permettre de surmonter l’événement, en trouvant une solution. Mais parfois, le niveau de confiance n’est pas suffisant et les négociations échouent.

Etre transparent sur le « current trading » : des exemples

  • Lors de l’accompagnement à la cession d’un fabricant de produits BIO, nous sommes en phase finale de négociation et le cédant dévoile quelques jours avant la signature du Protocole d’Accord qu’il a perdu son premier client, représentant près de 40% de son chiffre d’affaires. Il apparaît assez vite qu’il détient cette information essentielle depuis plusieurs semaines et qu’il a continué à discuter avec l’acquéreur sans en faire état, pas même à son conseil. L’intérêt de l’acquéreur pour le dossier diminue d’un coup mais c’est surtout la perte de confiance de ce dernier qui a mis un terme à sa démarche… L’entreprise a fini par se vendre plusieurs années plus tard, à un autre acquéreur.
  • Nous conseillons par ailleurs une entreprise de services pour les bailleurs sociaux. Elle souhaite lancer la cession alors que trois contrats quadriennaux, représentant 20% du chiffre d’affaires, doivent être renouvelés. Nous ne connaissons ni la date de parution de l’appel d’offres, ni le périmètre du futur marché. Nous avons accepté la mission en informant en toute transparence les potentiels acquéreurs de la situation. Les offres ont été structurées avec un complément de prix tenant compte non seulement du périmètre d’activité mais également de la marge des marchés renouvelés, pour concilier les intérêts des deux parties. Dans ce contexte, le cédant a voulu maîtriser la réponse à l’appel d’offres, puisque son complément de prix en dépendait, le calendrier de l’opération est devenu celui de l’appel d’offres. Malgré la situation complexe, l’opération a abouti grâce à un bon climat de confiance entre le cédant et les acquéreurs en lice.

Ce dernier exemple illustre le fait que la confiance entre les parties s’établit très tôt, à un niveau donné, haut ou bas. Chez MBA Capital, nous considérons que ce niveau doit être élevé pour faciliter la fluidité du process, optimiser les conditions de la transaction pour notre client et augmenter la probabilité de succès de l’opération.

Les mauvaises surprises des audits

Il arrive parfois qu’un obstacle majeur surgisse en cours de process, et notamment pendant la phase des audits d’acquisition. Illustrations :

  • Un client dans le traitement de surface avait toujours conduit l’exploitation de son activité en procédant à une déclaration administrative simple. Pendant la phase de cession, l’audit a montré qu’avec le développement de son activité, il était soumis à autorisation ICPE (avec enquête publique, etc.) et donc n’était plus en accord avec la règlementation. L’acquéreur en confiance sur les fondamentaux de l’entreprise et la bonne foi du cédant a tout de même maintenu son offre de reprise en laissant au cédant le temps de régulariser la situation, ce qui a différé la finalisation de l’opération d’environ 6 mois.
  • A l’inverse, dans le cadre de la cession d’un fabricant de pièces mécaniques de sécurité automobile de première monte à un groupe américain coté, les audits révèlent qu’un de ses fournisseurs détourne un brevet à son profit. L’acquéreur potentiel, qui n’avait pas tissé de lien particulier avec le cédant, s’est désisté sans chercher de solution. La société a été reprise plus tard par un groupe européen, après avoir remplacé son fournisseur indélicat.

Nul n’est à l’abri d’une mauvaise surprise pendant les audits, mais nous faisons en sorte de traiter tous les points de vigilance en amont, de façon à ce que les audits ne soient qu’une phase de validation des accords entre les parties.

Les aléas de la famille et de la vie

L’actionnaire-dirigeant et son conseil nouent souvent, au fil de leurs échanges, une relation d’écoute et de confiance. Certaines situations personnelles du dirigeant peuvent venir perturber le process de cession, depuis le classique divorce, en passant par les querelles entre frères et sœurs associés, jusqu’au décès du client pendant la mission.

Nous avons à l’esprit un exemple d’opération de cession qui a pu néanmoins être menée à son terme dans un contexte dramatique, grâce au travail en amont du conseil et à la forte implication du Directeur Administratif et Financier et alors même que les héritiers du défunt n’avaient qu’une connaissance réduite de l’entreprise, de ses enjeux et du process en cours.

Quelques problèmes en fin de process

Un des objectifs du conseil, dans une opération de cession, est d’anticiper au maximum les attentes des acquéreurs, pour susciter plusieurs offres solides et attractives, de façon à ce que le cédant choisisse non seulement celle qui présente les meilleures conditions, mais aussi celle du repreneur la plus à même de pérenniser et de développer son entreprise. En fin de process, quand l’acquéreur et le cédant ont finalisé leurs discussions et signé un Protocole d’Accord, que les audits ont été réalisés et la plupart des conditions suspensives levées, il reste parfois un détail à régler qui peut tout remettre en cause. Cela n’arrive pas souvent, heureusement, mais dans un tel cas il vaut mieux que les parties soient encore dans de bonnes dispositions pour surmonter ce dernier obstacle.

  • Un fonds d’investissement retenu après un process d’open bid sur un bel OBO, a demandé une révision de prix à la baisse, alors que les audits avaient été réalisés et n’avaient rien révélé de significatif, que la dette senior était bouclée et que tout était prêt pour la signature. Notre client, offusqué, a rompu les négociations et a finalement renoncé à l’opération.
  • Aux débuts de l’application de la Loi Hamon, un dirigeant cédant nous assurait avoir validé le fait qu’aucun de ses cadres ne souhaitait se positionner comme acheteur de son entreprise. A la veille du closing, son bras droit refuse de signer la lettre de désistement concernant l’opération. Il fait valoir son droit à faire une offre, bloque la cession pendant deux mois et démissionne à l’issue de cette période pour créer une entreprise concurrente. Ce coup de théâtre aurait pu remettre en cause la cession de cette PME de 30 personnes en dissuadant le premier acquéreur de patienter deux mois avant de reprendre une entreprise affaiblie par l’inquiétude de tout le personnel sur l’issue de l’opération, par la pression des concurrents au courant du projet et par la perte d’un homme-clé (il était devenu clair, avant même qu’il démissionne, qu’il n’accepterait pas de travailler avec le repreneur et deviendrait un concurrent). L’acquéreur a malgré tout réalisé l’opération.

Nous cherchons bien évidemment à éviter les imprévus en fin de process en préparant de façon minutieuse les derniers détails, pour que le closing ne soit qu’une séance de signatures et de formalités, et finalement un bon souvenir pour chacune des parties. Mais le diable se cache parfois dans les détails…

  • Un closing qui s’annonce serein réunit une douzaine de personnes : l’acquéreur, le cédant et sa famille, les avocats, l’expert-comptable de la cible, les conseils et les banquiers. Juste avant d’entrer en réunion, l’avocat du cédant nous indique qu’il reste un point technique et mineur qui aurait dû se régler la veille au téléphone entre avocats, alors que les chèques sont sur la table. Il propose une solution, son confrère le contredit et s’engage alors une interminable discussion entre avocats devant tous les autres « spectateurs ». Le ton monte, la tension devient palpable et au bout d’une heure trente de palabres l’acquéreur annonce qu’il n’achète plus et le vendeur déclare ne plus vendre. Une suspension de séance est demandée au cours de laquelle les avocats se réunissent et règlent le différend. L’opération se réalise.
  • Dans une autre opération de cession, les avocats s’aperçoivent qu’il manque un pouvoir pour une action détenue en nue-propriété, afin de réaliser le transfert des titres. L’avocat de l’acquéreur conseille à son client de suspendre le closing et de le finaliser le lendemain. L’acquéreur connaît notre client cédant depuis 15 ans. Il accepte de réaliser l’opération et de régler le prix, sans attendre la régularisation de l’ordre de mouvement, qui sera effectuée le lendemain. Une telle confiance reste rare et elle marque la mémoire des intervenants.

Ces exemples illustrent l’importance d’avoir créé du lien entre les parties avant de trébucher sur une difficulté : la confiance de chaque partie envers l’autre, et envers le projet de reprise, permet souvent de réaligner les intérêts et de trouver un accord.

Avec les contributions de nos associés :

Isabelle ARNAUD-DESPREAUX, Bordeaux

Florent CHARLET, Lille

Laurent DERBOIS, Bordeaux

Vincent JUGUET, Paris

Bertrand KNIPPER, Strasbourg

Eric LE FLANCHEC, Rennes

Valérie LEGENTIL, Caen

Stéphane MICHEL, Nantes

Pierre ROUX, Marseille

Mis à jour le 4 mars 2022

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